Avis du Cercle de coopération des associations laïques sur le document de travail « Leben und Gesellschaft »

Le programme gouvernemental 2013-2018, cité en exergue du document annonce l’introduction d’«un cours unique neutre et harmonisé d’éducation aux valeurs pour tous les élèves de l’enseignement fondamental et secondaire » et le premier paragraphe du texte insiste encore sur le fait que l’offre d’un cours confessionnel est en contradiction avec l’obligation de l’école publique de rester neutre sur les questions religieuses. Il s’agit donc d’abolir le cours d’instruction religieuse et morale qui s’adressait jusqu’à présent spécialement aux élèves de confession catholique.

Avant 1968 il n’existait qu’un cours d’instruction religieuse et morale, dont les élèves pouvaient tout au plus être dispensés. Ce n’est qu’à partir de 1968 qu’une alternative à ce cours de confession catholique a été offerte aux élèves des lycées d’abord et aux élèves des écoles primaires plus tard. Le cours de formation/éducation morale et sociale s’adressait depuis son introduction à des élèves de différentes confessions tout comme à des élèves ne se reconnaissant d’aucune confession.

Il existe donc actuellement un cours s’adressant à des élèves appartenant à des cultures et à des croyances très diverses et qui tout en tenant compte des opinions et points de vues des uns et des autres fait ressortir notre intérêt commun à comprendre les différents points de vues, sans devoir y adhérer. Qu’est-ce qu’on reproche à ce cours d’éducation morale et sociale se référant à une approche philosophique pour aborder les grandes questions éthiques et aux principes de la déclaration universelle des droits de l’homme pour réfléchir sur la vie en société ?

Les objectifs du nouveau cours tels que définis au point 2 sous les rubriques a, c et d ne se différencient en rien des objectifs transversaux tels qu’ils apparaissent pour la quasi totalité des cours de l’école publique et n’apportent rien de nouveau qui pourrait justifier l’introduction de ce nouveau cours.

La rubrique b est la seule qui mentionne un objectif spécifique pour ce cours et il y est question de la mise en valeur des cultures et de l’analyse de la diversité. Or, c’est dans ce contexte que le texte passe rapidement des cultures au pluriel à la culture au singulier dans laquelle nous vivons. Même s’il parle des réalités culturelles des enfants et des jeunes et des influences culturelles qui ont eu accès à notre culture au singulier, il suggère que les traditions judéo-chrétiennes et les traditions humanitaires des lumières ont largement influencé notre culture et doivent donc être étudiées en priorité. Partant de là, le texte plaide pour une étude approfondie de textes religieux, philosophes et historiques.

À cet endroit du texte, le ou les auteurs deviennent tout à coup étonnamment explicites en expliquant qu’il faut comprendre le langage symbolique des religions pour comprendre la société dans laquelle nous vivons. Il précise par ailleurs que c’est la non compréhension de ce langage religieux qui ouvre la voie aux positions dogmatiques et radicales. L’objectif du cours devient ainsi une alphabétisation religieuse permettant aux jeunes de déchiffrer les textes religieux dans leur langue imagée. Ainsi, il devient évident que le discours religieux et la connaissance approfondie des religions s’imposent comme contenu de ce cours. Qu’il s’agisse dans ce contexte du langage de toutes les religions ou seulement de la tradition judéo-chrétienne n’est pas clairement indiqué.

C’est cette façon d’insister sur la compréhension des religions pour comprendre les cultures qui influencent le développement des sociétés qui fait du document qui se dit lui-même vouloir définir les objectifs politiques et le cadre du nouveau cours, un texte qui s’apparente fortement aux objectifs du cours d’enseignement religieux actuel dont les contenus pourraient alors convenir au plan d’études du nouveau cours.

Si les auteurs avaient insisté de la même façon sur l’importance de la compréhension des institutions démocratiques, ils auraient certainement recommandé d’étudier la mythologie de la Grèce antique pour en comprendre le fonctionnement.
Pour le CCAL, il apparaît évident que nos sociétés modernes ont subi de multiples influences dont entre autres celles des traditions religieuses. Il ne s’oppose pas à l’étude du fait religieux, ni à une connaissance des buts et des pratiques des différentes religions, mais il estime que cette connaissance ne doit pas être poussée au point d’y intégrer une compréhension approfondie de la langue et des symboles religieux. Si tel était le cas, il ne resterait pas de temps à l’étude des autres influences et de leurs fondements.

Par ailleurs, le CCAL est d’avis que ce cours devrait se consacrer à élucider les grandes questions éthiques, écologiques et démocratiques de nos sociétés à l’aide des connaissances scientifiques dont nous disposons et d’un langage séculier basé sur la raison.

Les points 3, 4 et 5 reviennent alors vers des considérations didactiques ainsi que vers les compétences transversales en général. Ici les compétences sont à nouveau séparées des savoirs et ne se rattachent à aucun contenu. Mais on trouve enfin une référence au questionnement philosophique pour permettre la clarification des concepts et pour un éclairage critique des différentes positions. Pour le CCAL cette approche philosophique devrait constituer le principe de base du nouveau cours et lui donner sa référence disciplinaire.

En conclusion, le CCAL estime que le document « Leben und Gesellschaft » ne peut servir de cadre de référence au nouveau cours, car il est axé trop exclusivement sur la compréhension des religions et ne tient pas suffisamment compte du fait que nous vivons désormais dans des sociétés sécularisées où la croyance religieuse constitue pour les individus qui les composent une option parmi d’autres. 


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